Histoire
- I : Is -
« Avant même que le sol, le ciel ou la moindre brindille verte n’existe, il n’y avait de présent que le gouffre abyssal nommé Ginungagap. Puis, la glace du Nilfheim et des flammes fumantes du Muspeilheim rampèrent vers l’autre encore et encore, jusqu’à se rencontrer dans le Ginnungagap. Là, entre les sifflements et les explosions sonores, le feu fit fondre la glace. Les gouttes qui tombèrent ainsi en un même point formèrent le premier être vivant de la mythologie viking : Ymir, le géant des glaces. »La première fois qu’elle avait lu ce livre illustré, c’était à la bibliothèque de son école primaire, lorsqu’une enseignante assistée par une étudiante étrangère, tâchait d’ouvrir les enfants aux autres cultures de ce monde.
Rei avait été conquise immédiatement.« Mon Alter c’est la glace ! Comme le Nif… Nim… Ni-machin-chose ! »
Les deux adultes avaient ri.
« Moi aussi je pourrais créer des géants de glace ?! » avait demandé la petite, les idées déjà lancées à mille à l’heure. Aussitôt, son enseignante lui avait caressé la tête avec tendresse avant d’ajouter une mention qui avait apparemment été occultée par la fillette.
« Bien sûr ! Mais il faudra te trouver un allié de feu, pour bien faire les choses, comme dans la légende. »
« Oh… Eh bah je le trouverai alors ! Et même que ce sera mon amoureux d’abord et que je l’aimerai toute ma vie ! »
L’innocence a de bon qu’elle n’a parfois pas de limites et empêche d’imaginer le pire.
Si elle avait su.- II : Jotun -
Elle se souvenait que la première fois que son Alter s’était manifesté, c’était sa nourrice qui lui donnait le bain. Le canard en plastique s’était soudainement figé au lieu de dodeliner comme il était supposé le faire, au grand étonnement de Rei, alors âgée de six ans seulement.
Mais au cri d’effroi de sa nourrice, la petite constata rapidement que non contente d’avoir gelé le pauvre canard inanimé, elle avait également figé l’entièreté de l’eau présente dans la baignoire, ainsi que les mains de la femme ayant pour consigne de s’occuper d’elle. Heureusement, plus de peur que de mal et Rei parvint, par instinct, à dégeler toute cette glace accumulée.
Toutefois, la nourrice démissionna et ses parents furent contraints de se rendre à l’évidence : Leur fille était puissante. Très puissante.
Trop puissante pour son âge.Fatalement, la santé de Rei en était affectée. Les premiers temps, son Alter se déclenchait aléatoirement et menaçait ses forces respiratoires et ses organes en les faisant geler de l’intérieur. Médecins et spécialistes furent appelés au chevet de la gamine et après plusieurs diagnostics, il fut décidé que la petite ne devrait pas se servir de ses pouvoirs en public, jamais.
Du moins, pas tant qu’elle ne saurait pas s’en servir convenablement.
Mais les enfants sont sources de gaffes et surtout, entre eux ils sont particulièrement cruels. C’est arrivé un jour, alors qu’en sortie scolaire –simple visite d’une autre école de la région -, Rei fut prise à part pas ses petits camarades de classes ayant profité d’une diversion de leur maîtresse pour commettre leur forfait de harcèlement. Pis encore, ils avaient embrigadé des enfants de l’autres écoles avec eux.
Jeune Himura ne jamais donc plus où donner de la tête et ne comprenait pas ce que tous ces enfants, parfois plus âgés qu’elle, lui voulait exactement. De honte, le regard était détourné vers le sol, espérant qu’ainsi, peut-être, elle disparaitrait et se substituerait aux regards des gens.
Raté.« Vous savez quoi ? Bah Rei, elle a tué le poisson rouge de la classe en gelant son eau exprès. »
« N-Non ! » essaya-t-elle de se défendre, les larmes aux bords des yeux déjà. « C-C’était un accident, je le jure… »
« Oui bah à cause de toi, il est mort. »
« J’ai essayé… J’ai essayé de le dégelé aussi vite que possible… »
« En fait t’es juste un monstre. »
« … »
« Tu devrais avoir honte ! »
« Arrêtez… »
« Monstre ! Monstre ! Monstre ! »
« S’il vous plaît… »
Les mains sur les oreilles, elle s’était accroupie sur le sol, comme pour se solidifier une échappatoire illusoire. Ses parents lui avaient interdit d’utiliser son Alter en classe, alors elle ne le ferait pas. Mais elle sentait, Rei, cette puissance battre ses veines, au rythme de son petit cœur d’enfant malmenée. Elle sentait que tout était à deux doigts d’exploser s’ils n’arrêtaient pas de l’embêter. Pourtant elle ne voulait pas faire de mal, elle pouvait le promettre. Les larmes coulant sus ses joues s’étaient changées en glace, prémices de la catastrophe qui allait arriver si rien ne calmait les choses.
Et tout à coup…« Eh ! Laissez la tranquille ! Vous lui faites peur ! »
C’était une ombre sortie d’un tapis de lumière, une chaleur rassurante dans la voix qui venait de prendre sa défense. Les harceleurs juvéniles reculèrent d’un pas et, vu l’expression qu’ils affichèrent, furent déçus de devoir ainsi relâcher leur proie du moment vers une tranquillité méritée. Mais ils se dispersèrent par la simple présence de ce garçon courageux ; chevalier des temps modernes.
Encore peu assurée sur sa situation, Rei attendit quelques secondes avant de se redresser et se retrouva alors nez à nez avec son sauveur.
« Ne t’inquiètes pas, ils ne t’embêteront plus, je vais rester avec toi ! »
Chamade sous ses petits os fragiles mais bonheur dans le cœur. Immédiatement, les larmes gelées fondirent pour finir leur course sur le sol de la classe. Une main tendue vers Rei l’encouragea à aller de l’avant.
« Allons dehors, il fait beau ! »
C’était la première fois qu’un plus grand lui inspirait autant d’admiration.
Ils passèrent plusieurs heures ensemble, sans même se dire leurs noms respectifs. Rei se sentait bien avec cet élève plus grand mais qui savait bien se défendre, lui. Même pendant la photo prise par leurs professeurs, ils restèrent assis l’un à côté de l’autre.
Lorsque la conversation dévia sur leurs Alters, le jeune homme jeta un coup d’œil à droite, puis à gauche, comme s’il avait peur d’être surprit. Puis, constatant qu’ils n’étaient que tous les deux dans ce coin reculé de la cour de récréation, il releva l’une de ses manches et s’éclaircit la gorge.
« Bon, je vais te montrer un secret. Normalement, ma mère m’a dit de ne jamais utiliser mon Alter à l’école, mais je vais te le montrer ! »
Curieuse, la petite Rei pu voir avec ravissement que le derme du garçon se para de magnifiques flammes rougeoyantes. C’était magnifique.
C’était le feu.Le souvenir de la légende nordique lui revint brusquement en mémoire et Rei sauta presque sur les flammes, que le garçon éteignit in extremis.
« Du feu ! C’est trop bien ! »
« Eh ! Attention enfin ! J’aurais pu te brûler sans faire exprès ! »
« Moi j’ai un Alter de glace ! Ça te dirait qu’on fasse des géa- »
Une voix adulte interrompit le discours de la petite.
« Himura-chan ! Enfin, on te cherche partout depuis vingt minutes ! Nous partons, le bus est prêt à y aller ! »
« Oops ! »
Sans finir sa phrase, petite Rei a alors quitté son ami de l’instant et lui adressa un dernier signe de la main.
« Au revoir ! J’espère qu’on se reverra ! »
Si elle avait su…- III : Grotti –
Les années passent et ne se ressemblent pas. Rei change finalement d’école et parvient à se reconstruire, à affirmer un peu plus sa personnalité sans craindre de harcèlement d’aucun genre. Sa scolarité, bien que ponctuée de quelques absences à cause de ses problèmes de santé, se passent sans difficulté ni accrocs.
Rei se fait des amis, vit sa vie de collégienne puis de lycéenne avec ses aspirations et ses rêves plein la tête.
Elle tente même de rentrer à Yuei, comme l’une de ses camarades de classe. SA démonstration à l’examen d’entrée est impressionnante puisque Rei incarne un géant des glaces, comme elle les affectionne tant. Lorsque son amie lui demande si elle a nommé ce mouvement, c’est l’air radieux et le sourire aux lèvres que l’Himura répond « Ymir. »
Mais les rêves existent également pour être brisés. Rei ne rentrera jamais à Yuei car elle s’évanouit quelques secondes après et restera dans le coma pendant deux semaines son corps n’ayant pas supporté tant de sollicitations en une fois et aura manqué de lâcher à plusieurs reprises dans son sommeil. On juge ses facultés trop instables pour lui permettre d’exercer en tant qu’héroïne, ce qui la désolera. Tant de possibilités qui lui sont refusés.
Mais sa démonstration prodigieuse n’est pas passée inaperçue. Quelques journaux ont relayé l’information mais surtout, l’intérêt d’une personne a été attirée par cet exploit.
Todoroki Enji.
Au départ, Rei ne comprend pas ce que peut lui vouloir cet homme de trois ans son ainé. Ou plutôt, la perspicacité qui l’animait fut rapidement étouffée par son déni.
Elle ne voulait pas se marier.
Pitié, tout mais pas ça.
Pas un mariage d’Alter.
Mais voilà, la notoriété et l’argent de son prétendant furent plus qu’assez pour que ses parents acceptent à sa place et se débrouillent pour lui faire dire oui alors qu’elle pense non.
Pour la première fois de sa vie, Rei voit son destin être scellé alors qu’elle a fraîchement atteint ses dix-huit ans.
**
« J’aime ces fleurs. »
Les Campanules d’Automne furent bien ses seules amies en cet instant.
- IV – Peach Tree and Arrow –
A peine l’année de ses dix-huit ans en phase de s’achever que Rei devient maman. Tombée enceinte très rapidement après un mariage expédié plus que célébré, la jeune femme met au monde un petit garçon en pleine santé. En dépit de sa situation, elle embrasse sa vie de femme mariée et de nouvelle mère, puisqu’Enji ne se révèle pas être un si mauvais mari.
Il sera nommé Touya, référence à l’arbre des pêches dont la symbolique emprunte aux merveilleux messages de
la chance, la longévité étant d’autres choses. A l’instar de ce nom, Rei ne souhaitait qu’une chose pour son petit, que même si
sa vie devait contenir des obstacles, il saurait les contourner et en ressortir toujours plus fort.Oh oui, elle avait tant confiance, Rei.Le seul défaut de Touya aura été d’avoir emprunté à sa mère sa faible constitution. S’il ne le paie pas les premières années de sa vie, ce n’était qu’un préambule à l’Enfer qui allait s’ouvrir sous leurs pieds, à tous. Enji comprit.
Car Touya portait en lui la présence d'
une flèche qui ne révélerait sa dangerosité que bien plus tard.
- V : Winter beauty –
Deux ans après Touya vient au monde Fuyumi. Mais Rei est moins extatique que pour la première naissance. A seulement vingt ans, elle voit son mariage commencer à péricliter doucement. Enji espère tant de ses enfants que le moindre écart fini par le contrarier. A ce moment-là, c’est encore gérable, mais Rei ne peut s’empêcher de craindre le pire pour l’avenir.
Malgré tout, elle aime sa fille d’un amour inconditionnel. A peine sortie de ses entrailles, elle la baptise avec un nom magnifique. Surtout, elle se promet de ne jamais la marier contre sa volonté. C’était une voie bardée d’épines sur laquelle
la beauté de l’hiver n’irait pas s’écorcher les pieds.
Voici au moins un point sur lequel Enji et elle étaient surprenamment tombés d’accord.
Pourtant, beauté de l’hiver ou non, Fuyumi ne saura pas non plus convenir aux attentes paternelles.
Un pic de glace supplémentaire dans le cœur de Rei, qu’un spectre informe commençait déjà à dévorer, discrètement.
- VI : L’été, le mari –
Touya et Fuyumi grandissent bien lorsque Natsuo naît à son tour, trois ans après sa sœur. Pourtant, s’il naît en plein
été, c’est les yeux froids que l’accueil sa mère. Rei l’aime aussi, oui. Mais Natsuo n’est pas né d’un acte d’amour. Enji veut une progéniture puissante et il semble déterminé à emprunter à Rei sa faculté féminine autant qu’il le faudra pour y parvenir.
Petit prince solaire n’est coupable de rien et pourtant, Rei ne peut s’empêcher de sangloter au-dessus de son berceau, lorsque personne ne la regarde. Comment faire pour le protéger, lui aussi ? L’amour qu’elle lui porte n’est en rien feint, bien au contraire. A mesure que Rei se détourne d’Enji, elle se recroqueville sur ses enfants, ses tous petits qu’elle n’a de cesse de couvrir d’amour.
Simplement, c’est là au détriment de son propre bien-être.
D’autant plus que voici venu un échec supplémentaire, tâche d’encre sur les parfaits projets imaginés par l’esprit contrarié d’un homme prêt à tout pour surpasser le premier des héros.
Oh, comme à espérer, elle aussi le soir au fond de son lit et en l’absence d’Enji qu’All Might vienne la sauver.
Mais voilà,
les héros ne sauvent pas tout le monde.Elle en est la preuve.« Deviens un bon
mari, Natsuo. Ne force personne à marcher selon ta volonté… »
- VII : Burning and freezing –
Dernier arrivé par son ventre fatigué, Shoto est surement celui qui a causé le plus de peine à sa mère pour la mise au monde. Le travail est long et l’accouchement éreintant. Lui non plus n’est pas né de l’amour et pourtant… Pourtant il agace l’instinct maternel de Rei, fermement ancré en son sein, comme
une brûlure.
Car Rei est une bonne mère.
Elle décide, au moment même où l’on vient caler ce petit ange dans ses bras, qu’elle s’opposera désormais bien plus directement à son mari. Elle en a assez de ses caprices qui finissent en
engelures sur les mains de Fuyumi et Natsuo. Ses enfants n’ont pas à en payer le prix.
Doucement elle berce Shoto contre elle, le nourrit et embrasse son front.
Il faut bien une envolée avant la catastrophe.